Naharin’s Virus
Quel est donc ce virus qui traverse cette pièce créée en 2001 par Ohad Naharin ? Celui de la danse, qui telle une transe s’empare par instants des corps ? Celui de la scène, qui pourtant n’est pas ce que l’on croit comme l’annonce d’emblée un maître de cérémonie en frac noir ? Ou celui de la déconstruction, à l’œuvre dans cette magistrale composition du chorégraphe israélien...
Sans doute tout cela à la fois, sans compter ce que chaque spectateur projettera sur un spectacle délibérément ouvert à toutes les interprétations. Car ce qui importe ici, c’est précisément la question de la représentation, avec ses enjeux codifiés, son public captif, ses intentions affichées et, in fine, son aptitude à se réinventer hic et nunc. En témoigne le tableau noir en fond de scène - un mur ? - sur lequel, au fur et à mesure, s’écrit le miracle renouvelé des gestes qui font sens. Au sens littéral, comme ce mot «Vous» calligraphié par une danseuse avec les courbes de son corps. Ou symbolique, tels ces dessins et ces gribouillis divers qui, en fin de spectacle, recouvrent la surface comme autant d’explications ou d’arrière-plans à un propos plus subversif qu’il n’y paraît. Le texte récité par les interprètes, Outrage au public de Peter Handke, résonne en effet comme une admonestation à secouer les certitudes d’un monde en noir et blanc, à l’image des costumes bicolores des danseurs. Dans cet espace troublé où l’idée même de création est remise en cause, seule reste finalement la puissance du geste. Celle de la Batsheva, sur la musique traditionnelle du compositeur palestinien Habib Alla Jamal, est prodigieuse. Elle offre des ensembles fascinants d’énergie commune, tout en laissant à chaque interprète une pleine liberté de mouvements. Naharin’s Virus agit longtemps dans la mémoire, tel un subtil parfum de subversion jubilatoire.
D’après la pièce de Peter Handke
Chorégraphie Ohad Naharin
Assistant à la chorégraphie Michal Sayfan
Bastheva Dance Company
Costumes Zoha Shoef, Rakefet Levi
Lumières Avi Yona Bueno "Bambi"
Son Frankie Lievaart
Création musicale Karni Postel
Production Batsheva Dance Company
Photo © Gadi Dagon
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