Tosca : entretien David Bobée

Entretien avec David Bobbée

Tosca est, pour vous, une histoire de la domination...

L’intérêt, pour moi, dans l’approche des œuvres, est toujours de voir comment elles peuvent entrer en résonance avec nos questionnements contemporains. Loin de moi toute volonté conservatrice et encore moins celle de moderniser pour la forme. J’ai été bouleversé par la figure de Scarpia qui n’existe que dans un rapport de domination et fabrique autour de lui un environnement où la mort est la seule fuite possible. Symbole du pouvoir patriarcal, il impose une autorité militaire sur tous les corps qui l’entourent et notamment celui de Tosca qu’il pénètre comme un territoire dont il se déclare propriétaire. Le discours est donc aussi féministe. Si l’on réduit Tosca à une intrigue amoureuse, alors l’action est décevante. Tosca, une bécasse jalouse et Sciarpa, le méchant entravant l’amour ? J’y vois davantage de relief !

En quoi, Tosca vous évoque-t-elle aussi la figure de l’artiste mise à mal par la tyrannie ?

J’ai beaucoup pensé à Kirill Serebrennikov, metteur en scène russe qui, depuis 2017, fait l’objet d’un procès ubuesque. Tosca est traversée par une énergie de résistance face à un pouvoir qui opprime toute forme d’expression libre, comme le fait tout pouvoir autoritaire considérant l’acte de création comme un danger, le déclarant dégénéré ou dépravé, allant jusqu’à ordonner son autodafé.

D’où cette idée de chute qui traverse votre scénographie...

Au 1er acte, tout aspire vers le haut, ce qui m’a déterminé à placer le décor dans une forme d’église que j’envisage, ici, comme un lieu de spiritualité, d’amour, de création et d’élévation. Le 3e acte est le pendant inverse. L’église est un squelette, un stigmate d’après-guerre dont il ne reste que les os, des arches éventrées et une carcasse béante. Lorsque le lieu du pouvoir autoritaire quitte la scène, il ne laisse derrière lui que des ruines. Finalement, les rapports de domination détruisent le système qu’ils prétendent préserver.

Comment travaillez-vous la mise en scène d’un opéra ?

Le livret est toujours premier. J’y cherche les enjeux majeurs, les marques de structures. J’ai besoin d’y trouver une action forte pour déployer une dramaturgie que les chanteurs pourront ensuite incarner physiquement dans l’espace de la scène. Une fois la ligne dramaturgique dessinée, je m’intéresse à la musique. N’étant pas spécialiste, je cherche avant tout les mouvements correspondant aux élans du livret et c’est ensuite avec le chef que je travaille mon oreille à la subtilité des partitions.

Propos recueillis par Vinciane Laumonier, Opéra de Rouen

 

 

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