La lettre de Dominique Pitoiset
Chers publics,
Au cours des premiers mois de ma direction à l’Opéra de Dijon, je pensais accompagner les programmes établis, je pensais avoir le temps de découvrir le fonctionnement de ce beau navire, je pensais vous accueillir et faire connaissance, j’espérais pouvoir construire sereinement l’avenir du projet que je porte. La pandémie a tout contrarié et bouleversé. Annuler au lieu d’accueillir les artistes, comme convenu initialement, est un crève-cœur pour nous tous, pour les créateurs et les interprètes, pour les équipes, et pour vous surtout qui nous accompagnez et sans lesquels nous serions peu de chose. Combien de temps faudra-t-il avant que ne se lèvent (avant qu’ils ne s’en relèvent) tous nos rideaux de fer ou de velours ? Avant que les salles se remplissent à nouveau, non seulement en toute sécurité, mais aussi – et c’est une autre affaire – en toute confiance ?
À l’heure où je vous écris, je m’accroche à cette conviction : nous traverserons les épreuves, nous finirons par en sortir. Le jour viendra où nous pourrons à nouveau prendre nos désirs partagés pour des réalités à faire surgir ensemble. Mais pour l’heure (pourquoi le cacher ?), il ne faut pas escompter que tout redeviendra « comme avant », comme par enchantement, après tant d’incertitudes, de créations différées et d’annulations. Ne pas s’imaginer que les saisons retrouveront leur rythme et nos maisons leur assise. Faire comme si rien ne s’était passé ? Impossible. Mais plutôt se redéployer en pensant le « coup d’après ». S’inventer un nouvel horizon, se projeter plus loin. Concevoir de nouveaux rendez-vous, pour l’Opéra, en guise de retrouvailles. Quelquefois changer d’angle et d’échelle. Naviguer bord à bord, proches et solidaires sous les vents mauvais. Bâtir non pas une seule arche monumentale mais plutôt plusieurs, toute une flottille d’aventures artistiques, pour traverser ces temps troublés et toucher à des terres inconnues. Se consacrer à cette tâche obscure et mystérieuse : d’ores et déjà, semer les graines des projets, des initiatives, des spectacles et des concerts qui reviendront. Qui s’inventeront. Et leur laisser le temps de germer. Ou comme le disait Arthur Rimbaud : aussi longtemps que « la musique manque à notre désir », préparer activement son retour – et le vôtre ! – en travaillant, au profit de tous, à « la magique étude / du bonheur, que nul n’élude ». Nous nous y employons avec toutes les forces vives de cette belle maison. Et je vous promets de vous en reparler bientôt.
Dominique Pitoiset,
directeur général & artistique