opéra

Julie

Philippe Boesmans
programme de salle

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présentation

Les représentation de Julie seront dédiées à la mémoire de Philippe Boesmans.

Quand une jeune et grande bourgeoise décadente rencontre son valet dans la cuisine du château et entreprend de le séduire, on n’est pas loin du vaudeville. Mais le drame ne fait que commencer, et le piège du huis clos ne tarde pas à se refermer… 

« Le tempérament de chaque personnage », confie Philippe Boesmans, « s’exprime avant tout par sa ligne vocale. » Le compositeur belge ajoute qu’il en prit pleinement conscience lorsqu’il fut chargé d’orchestrer Le Couronnement de Poppée pour l’Opéra de la Monnaie : l’exemple de Monteverdi acheva alors de le persuader que l’art lyrique exige de chaque figure qu’elle soit porteuse d’une voix singulière. Cette voix peut d’ailleurs évoluer en fonction du mouvement dramatique. Julie, séductrice et dominatrice, attaque son rôle en développant un style plutôt orné, mais à mesure qu’elle aborde un registre plus sincère, son chant gagne en dépouillement. Le baryton de Jean, son domestique, traduit tour à tour sa jeunesse, sa veulerie, mais aussi la frustration qu’induit son infériorité sociale, tandis que le soprano de Kristin, son épouse, fait rayonner le jeune « soleil du matin »… Avec l’aide de Luc Bondy et de Marie-Louise Bischofberger, qui ont fait profiter le livret de leur profonde expérience théâtrale, Boesmans a tiré de la pièce de Strindberg un classique contemporain en un acte, un combat psychologique qui renoue avec le plaisir d’une musique expressive, au service de la narration et d’émotions enracinées sur l’expérience de « sentiments humains ».

Crédits photographiques : Au grand Jour © Aude Carleton 

distribution

Musique Philippe Boesmans
Livret Luc Bondy et Marie-Louise Bischofberger d’après Mademoiselle Julie d’August Strindberg

Direction musicale Emilio Pomarico
Mise en scène Silvia Costa

Orchestre de l’Opéra national de Lorraine

Décors Silvia Costa
Collaboration aux décors Michele Taborelli
Costumes Laura Dondoli
Lumières Marco Giusti
Dramaturgie Simon Hatab
Assistanat à la mise en scène Rosabel Huguet Dueñas


Julie Irene Roberts & Marie Tassin (Julie qui danse)
Jean Dean Murphy
Kristin Lisa Mostin
Acrobate Gianni Illiaquer

coproduction

Coproduction Opéra national de Lorraine, Opéra de Dijon

diaporama
Hommage

Philippe Boesmans est décédé le dimanche 10 avril. Il venait d’assister quelques jours plus tôt à la première de la nouvelle production de « Julie » à l’Opéra de Nancy, et nous disait son bonheur devant le travail de Silvia Costa et Emilio Pomarico. Il allait avoir 86 ans le mois prochain et était sur le point de terminer son septième opéra, « On purge bébé », sur un livret de Richard Brunel d’après Feydeau.

C’est une exceptionnelle personnalité musicale qui nous a quittés, un être doué à la fois d’un sens de l’humour et d’une grande sensibilité. C’était aussi un ami très proche depuis plus de cinquante ans, avec qui les liens se sont approfondis au fil des ans et des décennies.

Philippe était né à Tongres en 1936, et après une enfance marquée par la maladie et le sanatorium, il s’était tourné vers la musique, passionné par Chopin d’abord, et par Wagner ensuite. Après des études de piano au Conservatoire de Liège, il s’était tourné vers la composition. Quand je l’ai rencontré à Liège en 1971, il venait de recevoir le Prix Italia pour sa composition « Upon La-Mi ». Liège connaissait une réelle effervescence culturelle, autour notamment d’Henri Pousseur qui allait bientôt ouvrir le Conservatoire au jazz, à la musique ancienne, aux musiques contemporaines.

C’est à cette époque que remontent ses premiers succès internationaux. Dès 1974, Harry Halbreich l’invite au Festival de Royan. Les années 1970 voient une collaboration fructueuse avec Katia et Marielle Labèque, avec les Ensembles Musique Nouvelles, « 2E 2M », « l’Ensemble Intercontemporain » ou encore l’Orchestre de Liège. Pour ma part, j’ai la joie de créer en 1973 « Fanfare II », une des œuvres majeures du répertoire contemporain pour orgue, que j’ai eu le plaisir de rejouer un très grand nombre de fois depuis lors.

En 1981, Gerard Mortier, à peine arrivé à la tête du Théâtre de la Monnaie, lui passe commande d’un premier opéra, « La Passion de Gilles », sur un livret de Pierre Mertens. C’est le début d’une collaboration privilégiée avec cette maison d’opéra qui va s’étendre sur plus de quarante ans. Philippe orchestre ensuite « L’Incoronazione di Poppea » de Monteverdi (1988) qui marque le début d’une profonde complicité avec Sylvain Cambreling et Luc Bondy.

En 1990, nommé à la succession de Gerard Mortier, je lui passe commande de « Reigen » sur un livret de Luc Bondy d’après Schnitzler. Nous créons en 1993 cette œuvre qui va rapidement faire l’objet d’un grand nombre de reprises et de nouvelles productions à travers l’Europe.

Les opéras vont ensuite se succéder à un rythme aussi régulier qu’impressionnant : « Wintermärchen » (1999) et « Julie » (2005) sont créés à la Monnaie, puis « Yvonne, princesse de Bourgogne » à l’Opéra de Paris (2009) où l’ouvrage sera repris, fait exceptionnel pour un opéra contemporain, en 2020. Après ces années Boesmans-Bondy arrive une collaboration avec Joël Pommerat : ce sera « Au monde » en 2013 à la Monnaie et « Pinocchio » à Aix-en-Provence en 2018 en coproduction avec l’Opéra de Dijon. A Aix, Philippe rencontre Richard Brunel avec qui il décide d’écrire « On purge bébé » d’après Feydeau. La création aura lieu en décembre 2022 à la Monnaie.

Ces opéras ont rencontré d’immenses succès à travers l’Europe. Comment expliquer ce succès public ? Je vois personnellement plusieurs explications :  une culture musicale inouïe, un langage musical raffiné et coloré, une écriture vocale somptueuse, un sens théâtral inné, un don d’observation des humains, une capacité à parler la même langue que les librettistes/ metteurs en scène avec lesquels il travaillait. Et aussi une attention permanente à la lisibilité par le spectateur : là où beaucoup d’œuvres contemporaines offrent à l’écoute une surface complexe et parfois aride, Philippe Boesmans n’a cessé d’évoluer dans le sens d’une certaine immédiateté, non sans inviter à découvrir des trésors insoupçonnés lors des écoutes ultérieures de ses œuvres.

Je voudrais mettre l’accent également sur sa relation d’une fidélité exceptionnelle avec une maison d’opéra, la Monnaie, où il a vécu, écouté, regardé, rêvé, partagé, aimé... Cette maison d’opéra lui a beaucoup apporté, notamment de nombreuses commandes, mais il lui a offert en retour une présence créative, un regard décapant, un encouragement à ouvrir la programmation sur de nouveaux horizons artistiques moins classiques (jazz, pop, musique du monde, traditions orales…), ainsi qu’une invitation permanente à éviter les sentiers battus et les conventions bourgeoises.

« Julie » occupe une place spécifique dans sa production lyrique. Après les grandes formes lyriques qu’étaient « Reigen » et surtout « Wintermärchen », je lui avais suggéré de choisir un orchestre de chambre, certain que son talent d’orchestrateur ferait merveille et lui permettrait de transcender les limites d’un ensemble de solistes. La pièce de Strindberg recèle une violence contenue, et la mise en scène très intimiste de Luc Bondy, d’une intensité émotionnelle incandescente, était parfaitement en adéquation avec la dimension chambriste de la partition. C’est devenu l’un des opéras les plus joués du compositeur, avec « Reigen ».

Le regard caustique de Philippe, sa jovialité, son humour, sa gourmandise, son humanité, tout cela va nous manquer cruellement. Reste sa musique qui continuera à nous accompagner sur notre route.

Bernard Foccroulle
Organiste et compositeur, Bernard Foccroulle a été directeur de la Monnaie à Bruxelles et du Festival d’art lyrique d’Aix en Provence.

Dates
04
Mai
20:00
granD théâtre
06
Mai
20:00
granD théâtre
07
Mai
20:00
granD théâtre
Durée
1h15 sans entracte