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Mars

Dans la peau d’un critique, édition 2024 !

"Critiques de spectacles", c’est quoi ?

Mené par le service Médiation Culturelle de l’Opéra de Dijon, ce projet invite une classe de lycéens à se glisser dans la peau d’un critique de spectacle tout en découvrant des opéras.

Cette année, ce sont des élèves de 1re Générale du lycée Montchapet de Dijon qui ont pu se prêter à l’exercice, guidés par deux professionnels.

Ils ont d’abord reçu la visite de Guillaume Malvoisin (Point Break), puis celle de Jean-Luc Clairet (ResMusica). Les deux critiques les ont initiés aux enjeux et aux rouages de ce métier passionnant tout en leur partageant des conseils pour la rédaction de leurs articles.

Nous vous proposons de lire quelques exemples rédigés par des élèves après avoir assisté à l’opéra Turandot (Puccini), puis à L’Autre Voyage (Schubert).

Bonne lecture !

Critique de « Turandot »
Le soleil sanglant qui s’éteint sur une Chine de poison

Une image, quest-ce ?

Une chimère, un souvenir, flou. Je nen ai quun de Turandot, une flamme qui aurait pu étinceler avec les touches orientales de sa mise en scène mais qui était loin de son apogée. Cette œuvre est rendue tragique par labsence de force de sa princesse. Jattendais une reine. Une femme qui est la maîtresse de son destin et non celle dun homme.
Objet à acquérir, désir à assouvir.

Elle brille par sa transparence, symbole de lamour de la passion sordide. Ses sentiments glacés par une culture salissante transforment cet opéra vif et sanglant en culture du viol.

Turandot devient une éclipse, elle cache le soleil et la lune de cette histoire, sa musique magique, le personnage féminin fort de Liù… Tout ça sous le voile de lamour, de lespoir.

De la force dun homme fou amoureux de son physique, voilà ce quest une image. Limage de Turandot, limage de cette femme cest celle dune…
Fleur qui ne fanera jamais, car elle nexiste tout simplement plus.

 - Valentine
 
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Critique de « L’Autre Voyage »

Un Voyage Intime à Travers les Profondeurs de l’Âme Humaine

Comme l’indique son titre, L’Autre Voyage nous donne la sensation de réellement voyager depuis son siège. Non pas à travers un univers à proprement parler mais à l’intérieur d’un homme : de parcourir ses entrailles, respirer en rythme avec ses poumons et d’entendre son cœur. C’est la façon, du moins, dont je devrais décrire mon ressenti en tant que spectatrice sur à la représentation à laquelle j’ai assisté ce mardi 5 mars.

L’opéra, hommage à Franz Schubert, tire son écriture des opus du compositeur romantique autrichien décédé en 1828 à l’âge de 31 ans, laissant de nombreux écrits derrière lui. Celui-ci, grâce à l’initiative de Raphaël Pichon et Silvia Costa, met en lumière plusieurs de ses partitions peu populaires oubliées par le public. Ainsi, cet opéra, fruit de multiples recherches et archives, réunit certaines de ces idées en une seule œuvre. Celle-ci aborde les sujets de la vie, la mort, le deuil et explore de cette façon de sinistres questions à travers le passage d’un homme en dehors du monde des vivants. L’histoire en elle-même n’est pas des moindres : il s’agit d’un médecin légiste qui, en pleine autopsie, réalise que son propre corps inerte repose sur la table. Le spectateur plonge alors avec lui dans un périple à la redécouverte de lui-même, au plus profond de son âme. Celui-ci doit parcourir ses souvenirs en quête de paix et d’acceptation après la mort de son fils, avant de partir à son tour, l’esprit apaisé. Les sous-titres affichent, au début de la représentation, un avant-goût du spectacle en une phrase poignante : « seule la mémoire peut sauver celui parti trop tôt ».

Si les thèmes semblent un peu sombres, ceux-ci sont traités d’une magnifique façon. En effet, tant les performances vocales des comédiens que la mise en scène de Silvia Costa nous laissent dans l’émerveillement constant. Des plans travaillés, poétiques, qui suivent une chronologie : la première scène, illustrant une moire coupant le fil de la vie pour ainsi mettre un terme à celle d’un homme et précipiter immédiatement le public dans l’obscurité. Cette ambiance, froide et dramatique ; tant bien lors de l’autopsie que de l’enterrement, prend la forme d’un environnement aux couleurs tamisées lors des scènes de flash-back avant de s’illuminer complètement lors des derniers plans. On observe ainsi une évolution, aussi bien dans les étapes du deuil que dans l’éclairage et les émotions transmises. Les costumes et les décors nous permettent par ailleurs de se situer dans les années 60. Nous avons le sentiment de regarder un film, celui d’une vie qui n’est pas la nôtre et qui n’appartient pas à notre époque, et pour autant d’y être entièrement projeté. Pour cela cependant, il faut au spectateur demeurer dans un état de concentration élevé : les scènes sont abstraites et riches, ce qui rend l’interprétation de chaque détail plus complexe. Comme les sujets traités, finalement. 

Comme salué précédemment, l’expérience théâtrale est rendue complète de par les puissantes voix de Stéphane Degout et Siobhan Stagg, ainsi que l’orchestre et son chœur sous la direction de Raphaël Pichon. Mes oreilles ont, de ce fait, été aussi ravies que mes yeux. Mention honorable également pour le jeune comédien interprétant le fils : malgré son jeune âge, sa maîtrise vocale est remarquable !

En somme, L’Autre Voyage transcende les frontières du temps et de l’espace pour nous plonger dans un voyage introspectif fascinant. Entre les performances vocales envoûtantes, la mise en scène saisissante et l’orchestration magistrale, l’œuvre nous offre une expérience théâtrale et musicale d’une richesse rare. En quittant la salle, j’ai été profondément touchée par la puissance émotionnelle de cette pièce, qui résonnera en moi bien après que le rideau soit tombé.

- Adèle

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