Dans la peau d’un critique de spectacles
Cette saison, le service médiation culturelle de l’Opéra de Dijon propose aux lycéens de se glisser dans la peau d’un critique de spectacles et d’apprendre à argumenter leurs opinions sur des œuvres opératiques.
Une classe de première du lycée Charles de Gaulle s’est donc essayée à l’exercice. Accompagnés par Guillaume Malvoisin, journaliste spécialisé, les élèves ont d’abord découvert l’univers lyrique et le métier de critique. Ensuite, ils ont assisté à la représentation de L’Isola disabitata de Haydn avant de coucher sur papier leurs avis et impressions sur cette nouvelle création. Guillaume Malvoisin les a guidés au fil de leur rédaction, afin de les aider à mettre en mot leurs impressions subjectives.
Nous vous proposons une sélection de leurs écrits, qui entreront peut-être en résonance avec vos impressions de spectateurs.
Bonne lecture, et bravo à chacun des rédacteurs !
" Un mot pour qualifier mon sentiment vis-à-vis de cette Île déserte : partagé. Tantôt suave, tantôt insipide, tel m’a paru l’opéra de Haydn que nous ont livré Fanny & Alexander, dans une mise en scène décalée de Luigi De Angelis. Musicalement : un orchestre pétillant et culminant sous la baguette de Fayçal Karoui. Visuellement : un écran de tissu déchiré, de cinéma dirais-je, tant les références au 7e art m’ont paru nombreuses. J’ai éprouvé certaines difficultés à appréhender les décors modernes et inattendus, qui font penser à la loge d’une actrice plus qu’à un îlot abandonné, mais une fois la symbolique créative faite mienne, tout devint plus captivant. J’ajouterais des plans hitchcockiens : des vagues venant se fracasser sur les rochers, qui me rappellent Sueurs froides, au plan- séquence final, qui m’évoque La Corde. Subtils et réjouissants.
Les performances vocales des solistes m’ont ravi, en particulier celle d’Andrea Cueva Molnar (Sylvia) qui a dominé à mon sens l’intégralité de la représentation par son charisme édifiant. Un ravissement toutefois contrebalancé par le faible intérêt que m’a suscité l’intrigue – gare aux romances clichées, marivaudages et revirements invraisemblables ! Enfin, que dire du final ? Grandiose ? Saisissant ? Un peu too much peut-être. En tout cas, je l’ai perçu comme un hommage original aux spectateurs, et il m’a sincèrement ému. "
" Spectacle riche en émotions grâce au talent des solistes autant dans le chant que dans l’interprétation de leur rôle. Leur jeu expressif accompagné d’un orchestre dynamique transporte nos sens sur cette île déserte où des vagues de tristesse et de mélancolie puis de joie et d’amour viennent frapper le cœur des spectateurs. La prestation des chanteurs s’appuie sur un décor simple mais très réfléchi où chaque élément trouve sa place. L’écran géant qui sépare la scène des coulisses est en fait composé de longues bandes blanches pouvant se mouvoir d’avant en arrière les unes par rapport aux autres. Ce procédé ingénieux permet d’illustrer en images l’histoire, mais aussi d’ajouter de la profondeur à la scène. Les projections sont pertinentes et s’adaptent au spectacle dans un jeu de couleur et de rythme très réussi. La mise en scène est épurée et ne se concentre que sur l’essentiel. La symbolique, présente dans les costumes notamment, prouve que rien n’est laissé au hasard. Félicitation aux solistes, à l’orchestre et à toute l’équipe technique pour cet opéra très abouti. "
" Tout d’abord, L’Isola disabitata est un opéra programmé par le nouveau directeur de l’Opéra de Dijon, Dominique Pitoiset, et mis en scène par Luigi De Angelis. Cette pièce regroupe des jeunes chanteurs de l’Académie de l’Opéra national de Paris, on retrouve ainsi les solistes Ilanah Lobel-Torres, Andrea Cueva Molnar, Yiorgo Ioannou ainsi que Tobias Westman.
J’ai trouvé l’intrigue d’une extrême simplicité. La mise en scène nous propose une lecture actuelle du texte d’origine. Les éclairages tout comme les projections (la côte inhospitalière, les vagues se brisant sur les rochers...) m’ont permis de mieux m’ancrer dans la pièce. Les quatre solistes se montrent irréprochables par leurs qualités de chants et de jeu, ils vivent leurs personnages avec beaucoup d’émotions et d’intensité. Les choix de décors étaient très judicieux avec le rideau de fond de scène qui se démultiplie et coulisse vers l’avant, ce qui autorise des effets bienvenus. On retrouve des accessoires parfois comiques frôlant le grotesque avec le personnage de Silvia coiffée des bois d’un cerf et chaussée d’escarpins animaliers extravagants ! L’orchestre dirigé par Fayçal Karoui impulse une véritable dynamique à la pièce. Il a fait surgir en moi beaucoup d’émotions notamment lors de la scène finale où les deux couples finissent par un chant commun, annonçant le bonheur retrouvé. Le quatuor final clôture la pièce avec brio ! "